La révolution contemporaine naîtra d’un fondement politique «différent» ne s’inspirant ni du libéralisme ni du communisme.
«Aujourd’hui, les formes d’accumulations primitives se dessinent non seulement sur les termes mais sur à peu près tout», remarque Pierre Dardot. «Sur le vivant comme sur les connaissances». Le philosophe et enseignant envisage «le choix collectif» comme un «objet de partage». Observation majeure, «les entreprises se jettent sur tout ce qui peut se transformer en brevets, en dividendes, en copyrights, en droits de péage». Voilà que l’ensemble de la classe politique lutte maintenant contre la mécanique de privatisation dans une multitude de secteurs. «Ils ont fait le rapprochement avec la privatisation telle qu’elle se définissait au XVème Siècle en Angleterre», poursuit Christian Laval. Le sociologue confirme cette nouvelle tendance à l‘«accumulation primitive», si proche des «enclosures» de Marx (notamment dans le cadre de «la scène primitive» définissant le capitalisme français). Ici et maintenant intervient le «commun», une notion émergente de la politique contemporaine cherchant à se détacher des valeurs libérales comme de «l’appropriation privée».
Le commun n’est donc pas une voie libérale, ni communiste, mais la recherche d’un fondement politique «différent» suggérant la base d’une réflexion plus adaptée à la période. Le «commun» s’envisage comme le fruit d’un volonté collective à agir pour s’extraire des griffes du capitalisme vers un processus plus fédérateur, plus sain, soutenant l’impulsion de la propriété publique sur une base tout d’abord régionale, puis nationale, pour s’étendre au partage universel du bien «commun» ou «global sharing».
Le mouvement du «commun» permettrait «une configuration politique nouvelle» composée de militants, d’internautes, de citoyens, parmi d’autres acteurs de la société civile.
«Tourner le dos au communisme d’État durant l’histoire impose un barrage indispensable à la nostalgie qui pourrait ressurgir en période d’instabilité mondiale». Les deux experts incitent politiques et citoyens «à regarder devant» pour donner une valeur aux nouvelles formes de «commun» émergeant des luttes et des divers conflits actuels, à une échelle planétaire. L’expérience sur les premières années du XXIème Siècle démontre que le néolibéralisme ne se présente pas non plus (au même titre que le communisme) comme la solution idéale car il s’impose en «unique pensée d’action», d’après les deux observateurs. Le mouvement du «commun» permettrait «une configuration politique nouvelle» composée de militants, d’internautes, de citoyens, parmi d’autres acteurs de la société civile.
Des décisions communes au profit d’une propriété et d’une notion de partage universel, en cela réside le principal objectif du «commun». La consommation d’eau, par exemple, un mouvement instantané, un bien commun sur volonté du peuple. La mise en place de «structures participatives» pourraient être prises en charge par des «collectifs sociaux». Le «commun» fonctionnerait alors sur le principe d’un «autogouvernement», racine d’une nouvelle «décision collective» désignant les biens communs.
L’homme est bien d’autres choses qu’un matricule destiné au gaspillage, à la surconsommation. Chaque force, chaque pratique permettant de développer une nouvelle forme de coopération universelle représente un progrès, une marche évolutive sur la trajectoire d’un axe puissant, la démocratie citoyenne participative. Autrement dit, co-décisionnelle. Continuer de s’interroger sur le rôle du gouvernement par le biais d’une mise en valeur plus prononcée des collectivités, d’alliances logiques autour de nouvelles articulations, un concept inspiré des mécaniques du fédéralisme, ou plutôt «double fédération». Premièrement, socio-économique, puis, en second lieu, territoriale et politique, vers une humanité plus coopérative.
Le temps presse. Selon les regards croisés du philosophe et du sociologue, il devient urgent désormais d’exploiter la somme de toutes les insurrections et des revendications, à bon escient, en les métamorphosant en principes cohérents. Une politique tournée vers l’action citoyenne telle une note innovante de civisme et d’intelligence dans un monde contemporain, expérimenté et averti.